Transition énergétique : mon discours au sénat du mexique
La question de la transition énergétique et de la souveraineté énergétique est un véritable défi. La crise climatique et la crise de la biodiversité s’aggravent chaque année.
En 2025, nous avons connu des vagues de chaleur, des sécheresses, des inondations record et des pertes de récoltes. Et, la semaine dernière encore, les scientifiques ont confirmé une nouvelle alarmante : le système terrestre a franchi son premier point de bascule.
Les récifs coralliens sont désormais en déclin irréversible.
Les systèmes qui maintiennent notre monde en équilibre sont proches de la rupture.
S’ils cèdent, nous ferons face à une catastrophe planétaire.
Cette menace survient à une époque d’immense incertitude.
La guerre est de retour en Europe, avec l’agression russe contre l’Ukraine, et cela pourrait être lié à la volonté de contrôler les ressources clés du futur.
Aux États-Unis, un nouveau mouvement isolationniste et réactionnaire a brisé l’ordre mondial établi après la Seconde Guerre mondiale, et là encore, le lien avec la volonté de contrôler les ressources essentielles du futur est évident.
Pendant ce temps, le contrôle de la Chine sur l’industrie et les ressources ne cesse de se renforcer : elle détient déjà une mainmise sur les ressources clés de l’avenir.
Par-dessus tout, les démocraties sont en danger partout, affaiblies par la désinformation propagée par des milliardaires puissants et des gouvernements qui utilisent Internet pour manipuler l’opinion publique.
Comme l’écrivait le penseur italien Antonio Gramsci : « Le vieux monde se meurt, et le nouveau monde peine à naître. »
L’un des grands affrontements de notre époque concerne l’énergie. Une ligne se dessine entre deux camps : ceux qui défendent l’ancien système fondé sur les énergies fossiles, et ceux, comme le Mexique ou l’Europe, qui bâtissent un avenir fondé sur les énergies propres.
D’un côté se tiennent les forces du capitalisme fossile, menées par Donald Trump et son slogan « drill, drill, drill » (comprenez : forer, forer, forer). Ces forces veulent retarder la transition énergétique pour protéger leur pouvoir et les profits des compagnies pétrolières.
L’Amérique de Trump refuse d’abandonner le système du pétrodollar, qui soutient depuis longtemps la domination financière des États-Unis. Elle ne veut pas non plus renoncer au contrôle stratégique exercé par sa marine sur les routes mondiales du pétrole et du gaz.
Cette politique est soutenue par l’industrie fossile, qui continue de réaliser des bénéfices colossaux. Selon le rapport 2024 de l’Agence internationale de l’énergie, les compagnies pétrolières et gazières ont engrangé 2,4 billions de dollars de bénéfices nets.
Plus de la moitié de cet argent a servi à verser des dividendes, à racheter des actions et à rembourser des dettes.
Ces entreprises sont prêtes à sacrifier l’avenir de la planète au nom de leurs profits à court terme. Pour mettre en œuvre ce projet, elles font tout pour affaiblir la coopération internationale en matière de climat et d’énergie. Leur stratégie est simple : attaquer le multilatéralisme et diffuser leur modèle réactionnaire par les guerres commerciales, la désinformation et la pression économique.
Le Mexique a ressenti directement cette pression. Lorsque le président López Obrador a décidé de remettre le secteur énergétique sous contrôle public, les États-Unis ont accusé le Mexique de violer les droits des investisseurs. Certains parlementaires américains ont même menacé d’imposer des tarifs douaniers et des sanctions.
L’Europe est, elle aussi, sous pression. En juillet, craignant de nouveaux tarifs, l’Union européenne a accepté d’importer pour 750 milliards de dollars de combustibles fossiles en provenance des États-Unis d’ici 2028. Ce niveau d’importations est incompatible avec les objectifs climatiques de l’Europe et ses plans industriels verts. Il est donc peu probable qu’il soit respecté, mais cela montre l’intensité de la pression exercée sur la Commission européenne.
De l’autre côté du combat mondial pour l’énergie se tient la Chine. Au cours des dix dernières années, la Chine est devenue le principal producteur mondial de technologies d’énergie propre. Elle produit aujourd’hui plus de 60 % des composants d’éoliennes, 70 % de toutes les batteries, 80 % des panneaux solaires et 90 % des terres rares raffinées.
Elle domine chaque étape de la chaîne de valeur, de l’extraction à la fabrication, jusqu’à l’exportation. Pour l’Europe, 98 % des aimants permanents et 100 % des terres rares lourdes proviennent de Chine.
Ce succès n’est pas dû au hasard : il découle d’une stratégie industrielle claire et de long terme, soutenue par l’État. La Chine a massivement investi dans la production, la technologie et l’accès mondial aux minerais critiques, ce qui lui confère un immense pouvoir géopolitique.
Pour des pays comme les nôtres, la domination énergétique chinoise représente à la fois une opportunité et un défi. D’un côté, l’échelle industrielle de la Chine a considérablement accéléré le développement des technologies vertes, rendant les énergies renouvelables moins coûteuses partout. Cela a permis un déploiement rapide du solaire, de l’éolien et du stockage par batteries.
Sans la Chine, la transition énergétique mondiale serait beaucoup plus lente et bien plus chère. Mais, d’un autre côté, une telle dépendance à un seul pays est risquée. Elle menace directement notre souveraineté énergétique. Nous pourrions finir par remplacer notre dépendance aux combustibles fossiles par une nouvelle dépendance à la technologie et aux minerais chinois.
Et nous voyons déjà les signes avant-coureurs. Ce mois-ci, la Chine a annoncé de nouvelles restrictions à l’exportation des éléments de terres rares, essentiels aux technologies vertes et aux industries de pointe. Ces nouvelles règles couvrent douze éléments et exigent une autorisation spéciale pour tout produit en contenant plus de 0,1 %. Les applications liées à la défense seront automatiquement rejetées. Les industries européennes des secteurs de l’éolien, des véhicules électriques et de l’aéronautique en subissent déjà les effets.
Malgré tout cela, nous ne devons pas renoncer au développement des énergies propres. L’Union européenne a lancé le Green Deal, et plus récemment le Pacte européen pour une industrie propre, et elle doit rester déterminée à le mettre en œuvre sans ralentir ni son ambition ni son calendrier.
Le Mexique, sous la présidence de Claudia Sheinbaum, doit, et le fera sans doute, poursuivre sa transition énergétique à travers la mise en œuvre du Plan Mexique.
Malgré les défis, le développement des énergies propres présente de nombreux avantages. C’est désormais l’énergie la moins chère que l’humanité ait jamais développée. Elle est aussi plus sûre, plus décentralisée et plus résiliente.
Contrairement aux combustibles fossiles, les énergies renouvelables ne peuvent pas être bloquées. Contrairement aux centrales à gaz, les panneaux solaires et les éoliennes ne peuvent être facilement détruits. Aucun missile ne peut arrêter le vent ou le soleil.
L’énergie propre n’est pas seulement une réponse majeure à la crise environnementale : c’est aussi le fondement de la souveraineté dans un monde multipolaire. Mais pour protéger cette souveraineté, nous devons la renforcer.
Ni le Mexique ni l’Union européenne ne peuvent se permettre d’être piégés entre une Amérique agressive et une Chine dominante. Nous devons développer nos propres industries, technologies et chaînes d’approvisionnement. La transition verte doit être construite selon nos termes, et non dictée par d’autres.
Pour cela, nous avons besoin de partenaires fiables, partageant nos objectifs et nos valeurs. L’autonomie stratégique exige un alignement stratégique.
C’est la promesse de l’Accord global modernisé entre l’UE et le Mexique. Cet accord est un plan pour une souveraineté partagée. Il garantit un accès équitable aux matières premières critiques et prévient les distorsions à l’exportation. Il soutient l’investissement dans une exploitation minière durable et dans le raffinage. Il engage les deux parties à respecter les droits du travail, à protéger la biodiversité et à atteindre les objectifs climatiques. Il ouvre également la voie à des projets communs dans les domaines de l’énergie propre, de l’innovation et de la résilience des chaînes d’approvisionnement.
Soyons clairs : le nouveau mouvement réactionnaire international, porté par les intérêts fossiles, les ambitions impériales et la désinformation en ligne, est mondial. Notre réponse doit, elle aussi, être mondiale.
Avec cet accord, nous pouvons commencer à bâtir une nouvelle alliance progressiste, fondée sur la démocratie, la coopération et la durabilité. C’est le chemin qui s’offre à nous aujourd’hui : le seul chemin capable de protéger notre souveraineté et de sauver la planète vivante que nous appelons tous notre maison.